OGM

Projet 2017-2018
Un coup de GÈNES jamais n’abolira le hasard
Projet transversal dans le cadre du festival « La science de l’art »
organisé par le Collectif Culture Essonne

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Vue de l’exposition à l’Orangerie-Espace Tourlière, Verrières-le-Buisson, 2017.

Le projet Un coup de gènes jamais n’abolira le hasard est le fruit d’une collaboration avec la biologiste Paula Fontanilla. Il propose un dialogue poétique entre le dessin et la biologie, interrogeant à travers le prisme d’un voir-ensemble interdisciplinaire, la question des risques liés à la technique de transgénèse végétale. Si aujourd’hui le débat autour des risques, encore peu connus, que représentent les OGM (Organismes Génétiquement Modifiées) pour la santé humaine et l’environnement est d’actualité, la grande diversité d’opinions parmi les scientifiques ne permet pas d’établir un réel consensus. Ainsi, bien que les avantages de la technique de transgénèse végétale sont mesurables, celle-ci pose également des questions qui restent pour l’instant en suspens. S’interrogeant sur notre consommation d’OGM ainsi que notre rapport au vivant, les œuvres en jeu dans ce projet, s’articulent, entre autres, autour d’une exploration expérimentale des images de microscopie d’organismes produisant des toxines utilisés classiquement en agriculture telle que la bactérie Bacillus thuringiensis. Le geste artistique n’a pas pour fonction ici de prendre position dans ce débat sociétal, mais d’apporter un autre regard à la science. Le projet ouvre ainsi un questionnement autour de notre relation à la nature, à nous-mêmes et au monde.

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Bacillus (Bt) n°11.Vidéo, couleur, durée 3:00 rejetée sur dessins sur verre. Séquence vidéo réalisée à partir des images de microscopie dévoilant la Bacillus thuringiensis (Bt) utilisée classiquement en agriculture.

La démarche que je poursuis cherche à ouvrir un champ de réflexion tant graphique que théorique autour du dessin dit « élargi », qui constitue une pratique graphique autonome investissant toutes les zones spatio-temporelles de l’œuvre d’art. Tout d’abord, la notion de dessin élargi se rapporte aux divers langages graphiques ainsi qu’à la problématique de l’espace d’exposition. Sans attachement à une forme graphique en particulier, le dessin élargi se présente comme un point de rencontre entre la diversité des traces graphiques et leur monstration et articulation dans l’espace d’exposition. Suivant cette optique, je conçois l’espace d’installation des œuvres comme une relation dynamique entre les différentes traces graphiques. Qu’elles soient physiques, immatérielles, fixes, animées, sur ou hors papier, ces dernières dialoguent entre elles et enrichissent mutuellement leur langage, créant ainsi un ensemble unifié. Sous ses différentes formes, le dessin élargi s’apparente à un organisme vivant cherchant à interroger la dimension poétique, esthétique, éthique et psychologique de notre relation à la matière vivante et, plus largement, au vivant. Microscopie et dessin se livrent ici à une pollinisation  réciproque continue où le dessin est conçu comme un outil de décryptage, d’interprétation poétique et d’élargissement du microcosme.

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Bacillus drawings. Installation composée de onze boîtes de pétri dessinées. Bactéries et dessin à l’encre sur boîtes de pétri en verre et plexiglass ; dimensions variables, 2017.

Rencontre entre le dessin et le monde bactérien

Le dessin est appréhendé ici comme un organisme vivant, créant une relation sensible avec les transformations infinies du microcosme. Dans des boîtes de pétri en verre préalablement dessinées, sont déposées des bactéries qui se développent petit à petit en interagissant avec le dessin. L’intérieur des boîtes s’apparente à une toile sur laquelle sont déposées, à l’instar de pigments de couleurs, les bactéries « dessinatrices ». Les micro-organismes deviennent alors les principaux acteurs d’un dessin organique en perpétuelle métamorphose. À travers leurs qualités d’êtres vivants produisant des toxines et doués de propriétés diverses, ils nous invitent à une réflexion autour de la notion de « risque » intrinsèquement liée à celle de la « vie ». Dans cette rencontre avec le monde bactérien, le dessin évolutif apparaît aussi comme une expérience éphémère interrogeant le cycle de vie des œuvres d’art et leur finalité spatio-temporelle. Si selon le philosophe Theodor Adorno, la « vie » d’une œuvre d’art est relative à son mode d’être en tant qu’artefact construit socialement, ces « dessins vivants » tentent ici de déjouer cette analyse en exprimant une certaine « manière d’être » des œuvres évolutives imitant celle des organismes dits « naturels ». En ce sens, les « dessins vivants » résonnent aussi avec la notion d’« auto-poiesis » forgée par les biologistes Humberto Maturana et Francisco Varela qui rend compte des mécanismes d’auto-organisation et de transformation des organismes vivants s’adaptant aux changements de leur milieu.

Ces dessins évolutifs sont ici une sorte d’« observatoire » des qualités sensibles des bactéries et de leur capacité d’interaction avec le dispositif artistique. Imprévisibles, les bactéries imposent ainsi leurs particularités et contraintes dans le processus même de création et sont à la source de nouveaux langages graphiques. Par cette technique, se développe alors littéralement le « dessin vivant », apparaissant comme une trace tangible de la rencontre entre la main de l’homme et la « main » de la nature. Tant organique que métaphorique, cette trace de l’entre-deux, se situe alors à la charnière de la nature et de la culture.

Machine pour dessin vivant à micro-algues et/ou bactéries

Machine pour dessin vivant

Machine pour dessin vivant à micro-algues et/ou bactéries, 2017.

Installation inspirée et développée à partir du Réacteur à micro-algues inventé par le biologiste Gilles Carpentier dans le cadre de l’exposition transversale d’Iglika Christova intitulée MICRO-POÉTIQUE (Espace Jour et Nuit Culture, 2017). Il s’agit d’abord de créer une culture de masse de micro-algues grâce à un échantillon d’eau prélevé spécialement pour cette expérience de la fontaine se trouvant devant la façade de La maison Vaillant.

La Machine pour dessin vivant à micro-algues se compose en deux parties : la première dédiée au maintien de la culture de micro-algues, la seconde, quant à elle, serve à l’« impression » du dessin grâce aux micro-algues cultivés. Une petite quantité d’eau provenant de la culture de micro-algues est déposée sur une plaque transparente. Cette dernière repose sur une autre plaque sur laquelle une image de microscopie à été préalablement imprimée en négatif. Les deux plaques du même format sont posées sur l’armature en bois de la « machine » afin d’être éclairées en permanence par une source lumineuse. Les micro-algues doivent ainscroitre et se developper sur la plaque transparente aux endroits éclairés formant ainsi les contours d’un « dessin vivant » ; celui-ci se présente matériellement au fur et à mesure sur la plaque transparente où se développent les micro-algues.