Abécédaire

Dévoilement : Le terme de dévoilement s’applique à la plupart de mes dessins que je conçois comme des « dévoilements » du monde intérieur. La pratique artistique apparait ici comme une tentative de « dévoiler » ce qui est dissimulé au coeur de l’insaisissable. Cette recherche s’inscrit aussi dans la lignée de la pensée de Rudolf Steiner qui, à la connaissance scientifique du monde physique ajoute une autre connaissance qu’il cherche à rationaliser : celle du monde spirituel immatériel de prime abord invisible. Pour Steiner, derrière le monde visible se cache un monde invisible que l’homme peut pénétrer à condition de developper certaines facultés qui sommeillent en lui. Ainsi, derrière l’image de microscopie se cache l’image poétique reliant l’homme à la matière vivante, le microcosme au macrocosme, la parcelle à la totalité. Dans ma pratique artistique, l’imagerie poétique apparait comme un outil permettant d’approcher les profondeurs de cet insaisissable. J’envisage ces « dévoilements » par le biais du geste artistique comme une façon singulière de connaissance de soi et du monde. La pratique artistique est interrogée donc comme un possible devenir de ce que Steiner nomme un « organe de la connaissance » permettant d’accéder aussi au monde immatériel tissé de pensées, de métamorphoses intérieurs, d’états de passage. En ce sens, le dessin se confrontant à l’intimité de la matière vivante cherche inlassablement dans la forme qu’il poursuit à dévoiler les énigmes, les mystères, les ambiguïtés de l’être intérieur ; il n’examine pas la réalité, mais l’existence intime.

Eau : L’eau (élément vital et source de toute vie sur terre) apparait aujourd’hui comme un enjeu économique majeur. Force est de constater que le volume total des eaux douces est limité, et les sources facilement accessibles sont déjà exploitées… Alors que les facteurs affectant les eaux semblent accroître, de plus en plus de personnes sur la planète doivent se partager cette ressource si la croissance démographique se maintient au rythme actuel. Dans ce contexte, la série « H2O » désigne la nature comme un équilibre sensible, une puissance en constant mouvement nous dépassant et que nous devons voir donc comme un « partenaire » tissant notre réalité et non pas comme un simple stock d’énergies disponibles pour nos modes de vies. A travers les installations autour de la série « H2O » je souhaite mettre en scène simultanément la parole scientifique et la parole poétique constituant l’être humain. Tandis que la parole scientifique régit nos savoirs, la parole poétique rappelle l’être humain à lui-même ainsi qu’à sa relation intime avec la nature qui le tisse et le dépasse. Ce sont donc deux modes de connaissance, deux types de rapports au monde indissociables.

Expérience artistique : Dans cette relation entre microscopie et dessin, le geste artistique apparait avant tout comme expérience. Cela rejoint l’analyse autour des pratiques de l’art du début du XXIe siècle du philosophe Yves Michaud pour qui le « créateur d’oeuvres » devient désormais un « producteur d’expériences ». La notion d’expérience est envisagée ici comme une zone commune de dialogue entre à l’art et la science. En ce sens, cette notion semble être aussi une base de réflexion transversale pertinente autour des dispositifs hybrides entre dessin et microscopie. Dans une introduction à l’article « La réalité comme expérience » du philosophe important du courant pragmatiste John Dewey,  Gérôme Truc écrit que « Dewey finira par considérer que l’expérience scientifique est surclassée par l’expérience esthétique qui incarne à ses yeux ‘‘un modèle d’expérience riche et élargie, unifiant ce qui est fragmenté, totalisant ce qui est dispersé, collectivisant ce qui est individuel.’’ L’expérience esthétique constituerait ainsi le paradigme même de toute expérience. » En ce sens et à travers cette recheche, le dessin s’emparant de l’image scientifique vise à « traduire » et « collectiviser » le langage spécialisé de la science appliquée vers un langage d’immersion et de perceptions universelles. (John DEWEY,  « La réalité comme expérience », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 9 | 2005, mis en ligne le 11 février 2008.)

Poétique des images : Le monde de l’infiniment petit est appréhendé essentiellement en tant que stimulus de l’imaginaire. Ainsi, le dialogue poursuivit entre le dessin et le monde de l’infiniment petit interroge l’imagination créatrice en tant que  puissance majeure de la nature humaine clairement différenciée de la simple fantasmagorie. Le dessin sera donc appréhendé comme une « zone imaginaire » captant les transformations de l’infiniment petit et délaissant la mimèsis pour tendre vers une poétique des images. Cette poétique met aussi en action les abysses inconscients de l’ego pour les relier à l’imaginaire lié au dévoilement du microcosme. L’imagination créative surgit par conséquent comme une dynamique de métamorphoses en perpétuel mouvement, en expansion, créant ainsi une correspondance plus approfondie entre le psychisme humain et l’infiniment petit.

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